Le traitement de la transpiration excessive par Botox: quelles sont les dernières données de la science?
L’injection de toxine botulique (Botox) au niveau de la région axillaire (aisselles) est une procédure visant à traiter de manière temporaire l’hyperhidrose axillaire (transpiration excessive). Cette technique décrite en 1996 par Bushara et al. a fait la preuve de son efficacité.
L’objet de cette page est de faire le point sur le traitement de l’hyperhidrose axillaire par injection de toxine botulique, et de discuter la place des autres traitements de cette affection socialement invalidante, d’après les dernières données scientifiques (hyperhydrose axillaire, traitement par injection de toxine botuliquede type A: revue de la littérature. Fevrier 2016. Annales de chirurgie plastique)
L’hyperhidrose concerne près de 2,8 % de la population. Cette pathologie est responsable d’une gène sociale qui peut affecter sérieusement la vie des patients. Elle est liée à une production excessive et permanente de sueur, correspondant à une hyperactivité des glandes sudorales et est indépendante de la température extérieure (ces patients ne sont pas gênés uniquement dans les atmosphères chaudes, mais en permanence).
Le traitement par toxine botulique (TB) a considérablement amélioré la prise en charge des patients atteints d’hyperhidrose axillaire (HA). C’est un traitement simple, précis, rapide et efficace qui améliore la qualité de vie du patient. Initialement décrit par Bushara et al. en 1996, le traitement par toxine botulique est utilisé depuis de nombreuses années avec une efficacité satisfaisante dans le traitement de l’hyperhidrose axillaire. En France, le Botox® (Allergan, Irvine, Californie) a obtenu l’AMM dans le traitement de l’HA en 2003. Néanmoins, il s’agit d’un acte non inscrit dans la CCAM, et donc par conséquent non pris en charge par la sécurité sociale.
La toxine botulique : son mode d’action et son rôle dans l’hyperhidrose axillaire
Le Clostridium botulinum est une bactérie qui produit une toxine dont l’action est paralysante. Cette toxine botulique provoque un blocage de la libération de l’acétylcholine impliquée dans la stimulation des fibres musculaires et des glandes sudoripares (glandes fabriquant la sueur). Cet effet est transitoire et réversible, l’effet de la toxine est donc temporaire.
Il existe deux catégories de glandes sudoripares : apocrines et eccrines (au nombre de 4 millions dispersées sur toute la surface du corps humain). Seules les glandes eccrines sont impliquées dans la régulation de la température corporelle et sont responsables de la transpiration excessive ou hyperhydrose. Elles sont présentes sur la totalité du corps, mais leur densité est majeure au niveau des aisselles, des régions des mains et des pieds.
L’hyperhidrose, peut avoir un effet considérable sur la qualité de vie des patients, et induire un handicap social. Cette pathologie est liée à une hyperstimulation des glandes eccrines.
Bushara fut le premier à décrire l’utilisation de la Toxine botulique dans le traitement de l’hyperhydrose axillaire. Dans son étude datant de 1996, cinq volontaires sains avaient reçu 15, 30 et 50U de toxine botulique A (Botox®) injectées au niveau du creux axillaire. Au 3e jour, deux patients (injection de 50U chacun) présentaient des aisselles totalement sèches et chez un patient, (injection de 30U), la transpiration a été sensiblement réduite. L’effet a persisté pendant 6–8mois. Aucun effet secondaire important n’a été relevé.
Ces résultats furent confirmés depuis par de nombreux autres travaux.
La durée moyenne de l’effet anti-transpirant de la toxine botulique a été estimée à 7,6 mois dans une étude comprenant 113 patients, avec deux cas extrêmes à 14 et 18mois.
Une autre étude publiée en 2013 sur 83 patients montre une efficacité de 5,5 mois lors de la première injection et une efficacité de 8,5mois pour la dernière avec en moyenne 4 séances d’injection de Toxine Botulique suggérant une augmentation de la durée d’action du Botox en fonction de la répétition des séances d’injection..
Connor et al. ont publié un essai randomisé, avec un taux de succès de 75 % pour la toxine Botulique de type A contre 15 % avec le placebo. En 2005, Solish et al. ont publié une série de cas évaluant l’effet de la toxine Botulique sur la qualité de vie des patients présentant une hyperhidrose axillaire : 90 % des patients ont présenté un bénéfice clinique après traitement par Toxine Botulique et ce, après 12semaines de suivi.
Description de la technique du traitement de l’HA par injection de toxine botulique A
La toxine botulique est injectée d’un ou des deux côtés au niveau des aisselles : 50 unités de Botox® sont réparties uniformément en plusieurs sites de la zone de transpiration excessive de chaque aisselle, distants les uns des autres d’environ 1 à 2cm.
Sites d’injection intradermique de la toxine botulique.
Avant la réalisation de l’injection, on effectue un repérage de la zone d’hypersudation à l’aide du test à l’iode-amidon puis on place un pansement transparent sur l’aisselle et on marque la zone à injecter. L’inconfort lié à la procédure est minimisé par la mise en place d’un anesthésique local (Xylocaine crème ou gel, EMLA). Ensuite, 100U de Botox® sont diluées dans une solution saline à 0,9 % avec 5mL pour 100 U de TB ; 50U de TB sont injectées dans chaque aisselle à l’aide d’une aiguille de 30 Gauge (très fine) par voie intradermique avec des points espacés de 1 à 2cm. En général, 25 points de 2U sont réalisés dans chaque aisselle.
Le temps estimé pour l’injection de toxine botulique dans le creux axillaire est de 40minutes à 1heure :
Vingt minutes pour localiser la zone d’hypersudation à l’aide d’un test à l’iode et à l’amidon,. Le test à l’amidon est utilisé pour repérer les zones d’hyperhidrose avant traitement. Cela consiste à appliquer une solution iodée sur la peau des aisselles et attendre qu’elle sèche avant d’y saupoudrer de la poudre d’amidon. Les zones d’hypersudation deviennent violettes puisque la sueur dissout l’amidon, qui réagit avec l’iode.
Vingt minutes sont ensuite nécessaires pour administrer la toxine à l’aide de seringues de 30Gauge en sous-cutanée.
Les complications de l’injection de toxine botulique
Pour ce qui est des complications, les injections de toxine botulique sont généralement bien tolérées., de nombreuses études sur l’utilisation de la toxine botulique dans les troubles sécrétoires ont démontré la fiabilité, l’efficacité et la sécurité de l’injection de toxine botulique de type A au niveau axillaire.
Les complications de la toxine botulique dans le traitement de l’HA semblent donc rares et peu sévères avec actuellement un recul de 18 ans. En effet, dans l’état actuel des données de la science ; des effets indésirables mineurs tels que des picotements lors de l’injection, irritation cutanée et fatigue après les séances peuvent être retrouvés. Il existe également une possible augmentation de la sudation extra axillaire (front, poitrine, cou, paume des mains et plante des pieds).
Quelles sont les alternatives aux injections de toxine botulique?
La prise en charge de l’HA débute par des traitements simples : anti-transpirant, traitements locaux à base de sels d’aluminium. Ce n’est qu’en cas d’échec de ces mesures que peuvent être envisagés des traitements médicaux ou des traitements chirurgicaux.
En 2002, Atkins et Butler ont publié une mise au point visant à clarifier la situation vis-à-vis de chaque modalité de traitement de l’hyperhidrose axillaire. Ils comparent notamment les traitements médicaux aux traitements chirurgicaux comme la sympathectomie thoracique, l’excision axillaire ou la liposuccion.
L’excision axillaire (on retire chirurgicalement la zone responsable de l’hypersudation) donne de très bons résultats avec entre 79 et 92 % d’efficacité. Cependant cette technique donne de 4 à 6 % de complications telles que des brides cicatricielles, des infections, des hématomes, des nécroses cutanées avec désunion cicatricielle et limitation des amplitudes de mouvement de l’épaule.
La liposuccion seule est une technique peu utilisée avec une efficacité non démontrée.
La sympathectomie thoracique par thoracoscopie donne de bons résultats avec entre 87 et 98 % d’efficacité. Néanmoins, cette technique invasive peut entraîner des complications graves comme des pneumothorax, hémothorax, lésion du nerf phrénique, syndrome de Claude Bernard-Horner, des névralgies, ainsi qu’une possible hyperhidrose compensatoire ; ce qui pour certains patients peut être pire que la maladie elle-même [26, 27].
En 2007, Ottomann et al. ont comparé l’efficacité du traitement par toxine botulique par rapport à la liposuccion associée au curetage et conclut à l’efficacité des deux méthodes mais au prix d’une intervention chirurgicale pour la liposuccion-curetage, non dénuée de risques [28]. En effet en 2008, Rho et al. montrent un taux de complication dans la littérature de 13 à 57 % se traduisant par un hématome dans la technique de liposuccion-curetage avec canules agressives [29].
Enfin, Ibrahim et al. montrent que les injections de toxine botulique sont globalement plus efficaces que la liposuccion-curetage avec une diminution de la transpiration plus importante et une qualité de vie nettement améliorée, avec un meilleur confort et une préférence du patient pour les injections de toxine botulique [30].
Conclusion
Le traitement de l’hyperhidrose axillaire par injection sous-cutanée de toxine botulique semble avoir fait la preuve de son efficacité. Aucune complication sévère liée à l’injection de toxine botulique de type A n’a été rapportée. Il s’agit d’une procédure simple, présentant peu de risques pour le patient. Ce traitement peut donc être proposé en cas d’échec des mesures simples de prise en charge de l’hyperhidrose.
Le traitement chirurgical (liposuccion-curetage) reste limité aux cas d’échec du traitement par injection de toxine botulique chez les patients présentant une hyperhidrose axillaire très invalidante.
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